![]() | Par Jules Le 22 April 2019 | ![]() |
Cet article a été publié il a plus d'un an, il n'est peut-être plus d'actualité.
Dans la partie 1, nous avons parlé d'intelligence artificielle. Si vous ne l'avez pas lue, je vous le recommande fortement, c'est juste ici. Cette fois, on va s'intéresser à un concept un peu plus bas niveau (=plus proche du matériel) mais très en vogue également : l'informatique quantique.
Je suis certain que vous avez déjà entendu parler de cette histoire de "quantique", ne serait-ce que grâce au célèbrissime chat de Schrödinger. Mais si, le chat dans la boîte, et tant qu'on n'a pas ouvert la boîte, on ne sait pas si le chat est vivant ou mort, donc il est dans une superposition des deux états. Et retenez bien ce terme, "superposition", car on va en reparler, c'est l'une des notions de base de l'informatique quantique. Mais d'abord, savez-vous seulement comment fonctionne un ordinateur classique ?
Un ordinateur que l'on qualifierait de "classique" fonctionne en binaire, c'est-à-dire qu'il ne lit, traite et écrit que des 0 et des 1, généralement sous forme de courant ou de tension électriques. L'article que vous lisez présentement n'est en réalité qu'un gros tas de 0 et de 1. Un élément qui vaut 1 ou 0 est appelé un bit, un ensemble de 8 bits est un octet (byte, en anglais, d'où une fréquente confusion bit / byte / octet).
Les ordinateurs utilisent des codes pour associer des ensembles de bits à des données, par exemple le code ASCII, qui associe des caractères (des lettres, entre autres) à des octets. En ASCII, "salut" s'écrit "01110011 01100001 01101100 01110101 01110100" où le premier octet, "01110011" correspond au "s", "01100001" correspond au "a", etc. Il en va de même pour les photos où chaque pixel est représenté par un ensemble de bits qui le décrit. Ce principe est appliqué à tous les types de données.
Un ordinateur ne se contente pas de lire une donnée et de l'afficher, il fait des opérations. Ces opérations sont réalisées en binaire grâce aux portes logiques. La plus simple est la porte NOT. Quand un 1 entre dans une NOT, un 0 en sort, et inversement. Il existe une multitude de portes plus ou moins complexes, mais retenez juste que c'est grâce à ça qu'un ordinateur fait des opérations. Elles sont fabriquées à l'aide de transistors, ces petits circuits qu'on retrouve par milliards dans nos processeurs.
Ce système a l'avantage d'être "facile" à mettre en place, s'il y a un courant, c'est un 1, s'il n'y a pas de courant, c'est un 0, et basta. Mais on est rapidement limité par le fait qu'il n'y a que deux états possibles. Prenez un algorithme qui teste si une valeur est égale à une autre grâce à une boucle. Il va répéter son test avec une valeur différente jusqu'à ce qu'il tombe sur la bonne, et ça peut vite s'avérer long, car il effectue les opérations les unes après les autres.
Ce titre vous fait peur ? Ce n'est pas à juste titre, car, vous allez voir, ce n'est pas si complexe que ça en a l'air. Je vous avais promis qu'on reparlerait de superposition, et nous y voici.
Dans la vie réelle, vous ne savez pas comment est quelque chose avant de l'observer. Si vous lancez une pièce, vous ne savez pas si elle est tombée sur pile ou sur face avant de regarde, mais elle est bel et bien sur pile ou sur face. En physique quantique, elle aurait été sur pile ET face avant de l'observer. C'est le fait d'observer la pièce qui la place dans l'un des deux états.
Pour l'intrication quantique, nous allons prendre un exemple tiré d'un article d'Institut Pandore. Il y a, dans une maison, une ampoule. Jusque-là, je ne devrais pas vous avoir perdu. Il existe une autre maison, à plusieurs kilomètres, qui contient également une ampoule. Observer l'ampoule dans la première maison vous indique si l'ampoule dans la seonde maison est allumée ou non, bien qu'il n'y ait aucun lien entre les deux maisons, à priori. Les ampoules sont intriquées. Mind = blown.
Il faut admettre que les deux particules, comme les deux ampoules, ne sont en réalité qu'un système physique, malgré la distance qui les sépare. Pour une particule quantique, on regardera notamment son spin. Rappelez-vous, le spin peut avoir une valeur et une autre (en l'occurrence 1/2 et -1/2) tant qu'on ne l'a pas observé. On regarde le spin de la première particule, il vaut 1/2, tout de suite après, on regarde celui de la seconde particule, il vaut obligatoirement -1/2.
Et le plus drôle, c'est qu'on peut intriquer bien plus que seulement deux particules, mais je vous laisse imaginer le bazar.
Un q-bit, c'est un bit, mais quantique. C'est-à-dire qu'il vaut une superposition de 0 et 1. Et c'est pratique ! Parce que, en reprenant l'exemple de la boucle quelques paragraphes au-dessus, si vous avez n q-bits, vous allez pouvoir tester 2n valeurs d'un seul coup ! Dans cette situation particulière, l'ordinateur quantique révèle toute l'ampleur de sa puissance.
Un q-bit se note de la façon suivante : |q-bit> = α|0> + β|1>
α est la probabilité que le q-bit vaille 0, β, qu'il vaille 1. On peut voir la définition du q-bit comme une généralisation du bit. Dans un bit classique, il n'y a que deux possibilités, α = 1; β = 0 (donc le bit vaut 0) ou α = 0; β = 1 (donc le bit vaut 1). Dans un ordinateur quantique, on s'amuse à faire varier les coefficients α et β à l'aide de portes quantiques (comme les portes logiques, mais... en quantique) pour réaliser des opérations.
Allez, encore un mot sur l'intrication, parce que je sais que vous adorez ça. Un q-bit, c'est bien, deux q-bits, c'est très bien, mais deux q-bits intriqués, c'est encore mieux. Ainsi vous pouvez créer des groupes de bits avec des coefficients sur chaque état du système :
|système> = a|00> + b|01> + c|11> + d|10>
Comme vous le voyez, un ensemble de 2 q-bits permet de travailler sur 4 états en même temps. De manière générale, un système à n q-bits permet de travailler sur 2n états à la fois. La puissance de l'ordinateur quantique croît en 2n, ce qui n'est pas le cas de l'ordinateur classique si on désigne n le nombre de bits. Si vous voulez vous amuser avec ce genre de chose, IBM propose un simulateur très abordable sur le sujet : IBM Q Experience.
Alors oui, c'est mignon tout ça, mais ce n'est pas parfait. Un ordinateur quantique, quand on le lance sur un calcul, il fait tout en même temps, donc c'est comme si on avait plusieurs ordinateurs classiques qui tournaient en parallèle. Sauf que plusieurs PC peuvent aussi faire des choses différentes, alors que l'ordinateur quantique ne peut en faire qu'une. De ce principe découle une règle : un ordinateur quantique est toujours inférieur ou égal à son équivalent classique, car moins polyvalent.
De plus, il faut un certain nombre de q-bits pour arriver à égaler des supercalculateurs, or, des problèmes d'ordre technologiques surviennent à ce niveau. Sans rentrer dans le détail, il y a plusieurs techniques pour faire des q-bits. On peut utiliser des supraconducteurs, ces matériaux qui n'ont aucune résistance électrique, mais il est alors nécessaire de faire fonctionner l'ordinateur à une température proche du zéro absolu, -273,15°C. C'est la méthode employée par IBM, Google et D-Wave, entre autres.
D'autres techniques existent, mais peu utilisées pour le moment, quoique la version exploitant le spin reste intéressante de par sa scalabilité. Pour ceux qui voudraient en savoir plus, l'article de référence, de Oezratty, est dispo dans les sources, en bas de cette page.
Comme on l'a vu dans la partie précédente, plus on a de q-bits, plus l'ordinateur est puissant. Mais il existe quelque chose appelé le temps de cohérence, qui est lié aux problèmes technologiques cités ci-dessus, et qui dérange pas mal les experts dans le domaine. Le temps de cohérence est tout simplement le temps pendant lequel on arrive à garder les q-bits dans un état superposé. S'il est inférieur à la durée du calcul, celui-ci sera erroné.
Allez, un dernier petit paragraphe avant de vous parler de l'utilisation concrète de ce genre d'engin. On estime qu'un supercalculateur, en 2017, peut égaler un ordinateur quantique de 20 q-bits. Alors oui, on peut faire des supercalculateurs plus puissants, mais pas au-delà d'une équivalence 50 q-bits à cause des demandes exponentielles en mémoire et en bande passante lors des communications. La suprématie quantique désigne cette limite de 50 q-bits.
J'insiste sur le fait qu'un ordinateur classique ne peut pas atteindre ce niveau de performance, pas parce qu'il n'est pas assez puissant, mais parce que son type de fonctionnement n'est pas scalable jusqu'à ce point.
Avec tout ce que je vous ai expliqué, vous avez encore peur de l'ordinateur quantique ? Non ? Grave erreur, vous devriez.
Le principe du chiffrement tel qu'il est utilisé généralement de nos jours repose sur le fait que les ordinateurs ne sont pas assez puissants pour calculer la solution avant que le message n'ai perdu sa valeur.
Le chiffrement RSA, notamment, repose sur une simple multiplication de deux nombres premiers. Pour craquer un RSA, il suffit de trouver les deux nombres premiers dont le produit à servi à chiffrer les données. Simple ? Pas vraiment, il a fallu l'équivalent de 2000 ans de temps CPU sur un processeur single-core pour casser le RSA 768 bits, tellement les nombres mis en jeu sont grands. Et à chaque fois qu'on rajoute un bit, la clé est deux fois plus grande, donc deux fois plus longue à casser.
On peut dire qu'elle croît en 2n... 2n... ça fait tilt ? Si oui, je vous donne rendez-vous pour le troisième et dernier article de la série, où nous reparlerons de tout ça plus en détail. Sinon, rendez-vous quand même pour la partie 3 !
Un peu d'histoire ancienne, remontons à 2017, puisque c'est l'année où Google a annoncé travailler sur un système à 49 q-bits, très proche de la suprématie, donc. Cependant, fin 2017, IBM a réussi à faire tourner un système à 50 q-bits pendant une minute et demie, coiffant Google au poteau.
De son côté, Intel dévoilait le premier processeur 49 q-bits au CES 2018. Depuis, les bleus ont réalisé un outil pour tester des q-bits sur des wafers de 300mm² à une température proche du zéro absolu, un premier pas vers la production de masse.
Toujours en 2018, Google a signé un accord avec la NASA pour un processeur quantique 72 q-bits nommé Bristlecone. Le but est, entre autres, de comparer les performances du processeur à un supercalculateur pour prouver que la suprématie quantique a bel et bien été atteinte.
Dans un tout autre registre, malgré une seule lettre de différence, la NSA est également sur le coup (en même temps, où n'est pas la NSA ?). Pour la modique somme de quelques dizaines de millions de dollars, l'agence de sécurité nationale américaine s'est lancée sur le créneau dans le but de... hem... *prend une voix naïve et innocente* assurer la sécurité de ses concitoyens ? Mais tout ça, on en reparle évidemment dans la troisième et dernière partie !
Sources :
https://www.institut-pandore.com/physique-quantique/informatique-ordinateur-quantique/
https://www.oezratty.net/wordpress/2018/comprendre-informatique-quantique-qubits/
https://www.youtube.com/watch?v=bayTbt_8aNc
https://www.usinenouvelle.com/editorial/google-et-la-nasa-visent-la-suprematie-quantique.N768099
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