![]() | Par Jules Le 29 July 2020 | ![]() |
Saint-Graal de l'accès à internet domestique, la fibre est désormais de plus en plus répandue en France et dans le monde.
10 gigabits par seconde, c'est ce que promet l'opérateur Free dans son abonnement le plus haut de gamme, et c'est aussi l'offre grand public la plus rapide du marché en France. Mais derrière des chiffres comme ceux-ci - qui ne sont d'ailleurs pas vraiment respectés, et nous verront pourquoi - se cachent de nombreuses technologies et des dizaines d'années d'évolution.
L'idée de faire transiter des données avec de la lumière dans du verre ne date pas d'aujourd'hui. En effet, ce genre de dispositif est utilisé de manière expérimentale depuis l'entre-deux-guerres pour la télévision, sans grand succès, puis dans les années 50 dans des fibroscopes pour observer l'intérieur du corps humain.
Bon jusque-là, il n'y a pas encore de quoi regarder du porno en HD dans l'ascenseur, comme le pense M. Piolle, mais l'invention du laser en 1960 vient changer la donne. Le laser offre la possibilité de créer une lumière monochromatique puissante et très localisée, en faisceau, ce qui, vous vous en doutez, colle particulièrement bien avec l'idée d'envoyer de la lumière dans une fibre optique.
De gros travaux sont entrepris par la suite par Corning Glass - oui, les mêmes qui font le verre sur les écrans de smartphone - pour réduire les réflexions et les premières communications sont possibles à partir des années 70. La fibre en question avait une atténuation d'environ 20 dB/km, ce qui ne l'empêchait pas de transmettre déjà 65 000 fois plus de données qu'un câble en cuivre classique.
L'atténuation
L'atténuation est la perte de puissance du signal dans un câble ou une fibre. Elle est mesurée en dB/km, ce qui correspond au rapport de la puissance du signal par la puissance du même signal 1km plus tôt.
On rappelle aussi que le décibel (dB) est logarithmique, une perte de 20dB revient à diviser le signal par 100.
Mais avant d'arriver dans nos maisons à partir des années 2000 avec les FTTLa et FTTB, puis des années 2010 avec le boom du FTTH, la fibre était utilisée pour de gros projets tels que les liaisons intercontinentales. Le premier câble de ce genre fût le TAT-8, mis en place en 1988 et reliant la Bretagne au New Jersey en passant par le Royaume-Uni.
Le principe de la fibre optique est celui du guide d'onde. En effet, les matériaux disposent de ce qu'on appelle un indice de réfraction qui représente le comportement de la lumière dans celui-ci. Accoler des matériaux dont les indices de diffraction diffèrent dévie la lumière et peut induire des illusions d'optique, comme c'est le cas avec l'eau, le verre et l'air.
Or la structure d'une fibre optique est telle qu'un cœur est présent au centre, entouré d'une gaine optique d'un indice de réfraction légèrement inférieur - autour d'un pourcent plus petit - afin d'obtenir une réfraction totale, c'est-à-dire que le faisceau lumineux "rebondit" sur les parois du cœur et reste piégé dedans.
Comme vous pouvez le voir sur l'illustration, le cœur est très fin, de l'ordre de plusieurs dizaines de microns pour les fibres dites multimodes et moins de 10 microns pour les fibres dites monomodes. A titre de comparaison, le diamètre d'un cheveu est de l'ordre de 40 à 100 microns.
Multimode, monomode ?
Une fibre multimode dispose d'un cœur "large", 50 ou 62,5 microns, ce qui implique une dispersion du signal élevée à cause des nombreux chemins possible. Elle est également moins chère car se contente d'une LED pour l'émission du signal, mais elle est moins performante. Ce genre de fibre est généralement utilisé dans les réseaux privés pour les terminaisons.
La fibre monomode est beaucoup plus fine, 9 microns pour le cœur. Ainsi, le trajet est quasiment direct et le signal est peu dispersé, ce qui resulte en des performances 100 fois supérieures à celles d'une fibre multimode. Cependant, le cœur fin nécessite une forte puissance d'émission seulement possible par un laser, ce qui rend la fibre monomode bien plus chère.
Les fibres multimodes existent en 4 qualités, OM1, OM2, OM3 et OM4 tandis que les fibres monomodes n'en ont que deux : OS1 et OS2.
La longueur d'onde de la lumière utilisée a aussi son importance dans la fibre. Celle-ci définit la couleur de la lumière utilisée mais aussi son comportement physique. Si la lumière visible varie de 400nm - bleu / violet - à 700nm - rouge - les fréquences utilisées dans les fibres sont de 850, 1300 ou 1500nm, donc dans le domaine des infrarouges. Pour les fibres multimodes, on utilise généralement du 850 et 1300nm tandis que les fibres monomodes utilisent du 1310 et 1550nm, ce dernier permettant une atténuation du signal encore, plus faible.
Quand on en vient à connecter deux fibres optiques, il y a deux écoles : la soudure ou les connecteurs. Les connecteurs sont les plus simples, c'est ce que vous voyez au bout de la fibre quand vous en achetez une. Forcément, un connecteur induit une perte, généralement de l'ordre d'un demi dB, mais il est facile à appliquer au bout d'une fibre ou, encore mieux, déjà équipé dessus, donc il n'y a plus qu'à brancher.
De l'autre côté, la soudure est plus exigeante mais donne de meilleurs résultats. Il existe aujourd'hui des appareils compacts pour réaliser ce genre d'opération. La soudure se passe en plusieurs étapes. Après avoir dénudé et nettoyé les fibres, elles sont coupées le plus droit possible par une cliveuse - intégrée à la soudeuse ou non - puis approchées et alignées le plus précisément possible et, enfin, soudées par un arc électrique. Et quand je vous dis "précisément", je vous rappelle qu'on parle d'un cœur de 10µm et qu'un léger angle ou décalage entre les deux cœur est catastrophique. L'atténuation due à une soudure est de l'ordre de 0,1dB. Finalement, l'opérateur place une gaine thermoréctactable sur la zone de soudure et la chauffe afin de remplacer la gaine plastique qui a été retirée. Voici une très bonne vidéo par Telenco qui montre tout le processus :
Ces atténuations peuvent être mesurées à l'aide d'un OTDR, ou réflectomètre optique. Il s'agit d'un appareil qui envoie une onde lumineuse dans la fibre et observe le résultat. Au final, celui-ci donne une trace correspondant à tout ce qui s'est passé dans la fibre.
Cet exemple est assez exhaustif, on remarque notamment l'utilisation d'un connecteur à 5km avec une réflexion - le pic - et une atténuation - la courbe descend - puis une soudure à 10km - atténuation mais pas de réflexion - une courbure trop importante à 26km et une cassure à 30km. La fibre s'arrête à 40km, d'où le bruit ensuite. Enfin, la pente "normale", ici nommée backscatter, est juste l'atténuation de la fibre, ou diffusion de Rayleigh.
L'atténuation d'une fibre optique descend aujourd'hui en-dessous des 0,2 dB/km et d'énormes travaux sont mis en place pour réduire cette valeur. En 2018, un nouveau record a été battu par Sumitomo Electric Industries avec une atténuation de 0,1419 dB/km, soit 0,004 dB/km mieux qu'en 2015. Bien que l'amélioration soit faible, réduire l'atténuation de 0,004 dB/km permet d'économiser 7% de répéteur optiques sur un câble de longue distance, ce qui est loin d'être négligeable.
D'ailleurs si vous vous souvenez de l'article sur l'ADSL, je vous disais que l'atténuation typique pour les câbles en cuivre était de 15 dB/km, soit une puissance divisée par plus de 30 à chaque kilomètre parcouru. Si on réitère le calcul avec une atténuation de 0,15 dB/km, on obtient une puissance divisée par 1,035 à chaque kilomètre. Vous comprenez désormais pourquoi la fibre est si performante et systématiquement utilisée pour les grandes distances. Et justement, parlons-en.
Comme je le disais plus tôt, le premier câble transatlantique fibré est le TAT-8, inauguré en 1988. Pourtant d'autres câbles ont existé avant, il se trouve que ceux-ci étaient des en cuivre classiques puis des câbles de type coaxial. Cependant, là où Sea-Me-We 1 (1985) était capable de transporter 1380 circuits téléphoniques, TAT-8 est capable de débiter la bagatelle de 280 Mbps par fibre - au nombre de 2 - soit l'équivalent de 40 000 circuits téléphoniques.
Carte des câbles sous-marins au 13 Juillet 2020. [source]
Aujourd'hui, cette capacité a évidemment évolué. Marea, le câble mis en place conjointement par Google et Microsoft entre Virginia Beach et Bilbao débite 160 Tb/s malgré ses 6600km de long et Dunant, un câble tiré par Orange et Google entre Virginia Beach et Saint-Hilaire-De-Riez - près des Sables-d'Olonne - devrait battre ce record avec 300 Tb/s sur la même distance.
Le bateau câblier Pierre de Fermat d'Orange
Le pourcentage des communications mondiales qui passent par les câbles sous-marins s'élève à 95% pur 448 câbles et un total de 1,2 millions de kilomètres. Les principaux acteurs dans la fabrication de câbles sous-marins sont TE SubCom (AT&T), ASN (Alcatel Submarine Networks), NEC Submarine System et Huawei Marine. Du côté de la pose et de la maintenance, cocorico, on retrouve deux acteurs français avec de nouveau ASN et Orange Marine.
Outre les câbles sous-marins et le cœur de réseau, la fibre est de plus en plus utilisée pour les terminaisons autrefois assurées par le câble coaxial dans le cas des FTTLa et FTTB. Au premier trimestre 2020, l'ARCEP recense presque 20 millions de foyers raccordables au FTTH, contre 10 millions en 2018 et 15 millions en 2019.
Cela place donc la France dans une position plus que correcte, contrairement à ce que pensent ses détracteurs, compte tenu de sa population, de l'étendue du territoire et du prix des forfaits.
Les abonnements fibre sont très variés en France avec nos 4 opérateurs et leurs filiales. Cependant, Free est le seul à proposer du 10 Gbps mais celui-ci nécessite des travaux pour mettre à niveau le nœud de raccordement ainsi qu'un matériel adapté chez le client. Néanmoins, tous les opérateurs proposent au moins un forfait 1 Gbps et plus, ce qui est largement suffisant pour le commun des mortels.
Par ailleurs, le déploiement de la fibre donc l'augmentation des foyers éligibles, se fait aussi grâce à la 5G dont les sites nécessitent bien souvent une connexion fibrée.
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